lundi 25 février 2013

Les belles rencontres du TfT

Au Canada, le mois de février est le mois de l'Histoire des Noirs.

Pour cette occasion dans les quatre coins de la ville fleurissent expositions, concerts, films..

Et vendredi soir justement, au Théâtre français de Toronto (TfT) avait lieu une rencontre intitulée "Ces gens qui nous inspirent". Trois invités y étaient à l'honneur, dont je n'avais jamais entendu parler : Rodney Saint-Eloi, un poète et éditeur Haïtien (Ed. Mémoires) qui vit à Montréal, Maryse Birmingham, Haïtienne vivant à Ottawa sociologue de formation qui travaille sur la nouvelle mosaïque francophone du Canada et Yves-Gérard Méhou-Loko, Béninois d'origine, installé au Canada depuis ses 15 ans et qui est bien connu ici car il anime tous les jours l'émission "Pas deux matins pareils" sur Radio-Canada, la principale radio francophone du pays.

Nous étions une petite quarantaine, principalement Haïtiens, installés dans la salle de répétition du théâtre, aménagée pour l'occasion.
C'est d'abord Maryse Birmingham qui a pris la parole pour nous raconter une histoire. Cette histoire c'était celle du Ku-Klux-Klan qui décide un matin d'éradiquer la présence des noirs de la planète. Mais  en sortant de leur réunion, leur journée devient rapidement un cauchemar car ils ne peuvent pas utiliser le frein à main, l'ascenseur, l'hélicoptère, la cuisinière ou tant d'autres car les Noirs ayant été éradiqués de la planète, ils n'ont pas pu inventer tous ces objets. Cette histoire, elle la raconte dans les écoles primaires où la plupart des enfants l'écoutent les yeux grands ouverts. "Les Noirs ont contribué à tous les niveaux. Nous ne sommes pas que des bons musiciens ou des bons athlètes" explique t-elle.

Puis, c'est le journaliste Yves-Gérard Méhou-Loko qui s'installe sur la scène avec le directeur artistique du théâtre qui l'interview sur sa carrière. Et Yves-Gérard se prête à l'exercice avec bonne humeur, passant de son enfance de globe-trotter (de Paris à Cotonou, de Chypre à Montréal où il atterrit à 15 ans), à ses débuts un peu par hasard dans la radio. Au départ, il étudie l'économie et les sciences politiques, "A l'époque, en Afrique, il y avait cette invective chez les jeune de "Sauver l'Afrique"". Il nous raconte aussi son "voyage d'aventurier" en moto avec son frère, partant du Bénin, passant par le Mali, le Burkina, le Niger. La ville de Tombouctou, "surement une des premières villes les plus cosmopolites".
A 15 ans quand il arrive à Montréal, seul le petit séminaire accepte de le prendre car son dossier n'est pas brillant côté discipline.
De ses années au séminaires, il garde de bons souvenirs même s'il s'est heurté plusieurs fois au racisme du Québec des années 1980. "A l'époque, il y avait encore de vieilles dames qui changeaient de trottoirs lorsqu'elles me croisaient". Et quand dans le public, quelqu'un demande s'il est encore victime de racisme aujourd'hui, d'autres répondent "tous les jours".
Car le sujet du racisme revient sans cesse et l'on se rend compte que même à Toronto, la situation n'est pas parfaite. Le journaliste répond "ça m'arrive encore, je passe mon chemin, car ce n'est pas la première fois et ce ne sera pas la dernière ".



Le poète Rodney St-Eloi est ensuite monté sur l'estrade pour nous parler de sa grand-mère Tida qui vivait dans le sud de la France et avec qui il a passé une partie de son enfance. Il nous raconte en souriant qu'elle lui répétait sans cesse "Tu es le plus beau, le plus intelligent" et qu'il a fini par le croire. Que c'est elle qui lui a appris à lire sur la Bible alors qu'elle ne savait pas lire elle-même. Il nous cite un verset de la Bible, se trompe sur le numéro et est repris par le public, "Je savais bien qu'il y avait beaucoup d'Haïtiens dans la salle".

Il nous parle aussi d'Haïti qu'il a quitté sous la dictature, regrette qu'on connaisse si peu ce pays, "Notre histoire a des réserves de merveille" explique-t'il. Et plus il nous en parle, plus on en est convaincu.
Puis, il nous lit plusieurs poèmes et un passage de son nouveau livre Je t'écris cette lettre, une "correspondance manquée" avec son ami journaliste Jacques Roche, kidnappé et tué à Haïti en 2005. C'est le seul moment où son beau sourire s'efface derrière la douleur. "Quand on est en exil dit-il, le pays devient un certain nombre de visages" et en 2005 un de ces visages a disparu.
Mais de Rodney Saint-Eloi se dégagent une force et une énergie folle. Quand quelqu'un lui demande ce qui l'inspire dans son travail, il répond simplement "l'humanité".

La soirée se termine autour d'un buffet et d'un verre de vin, les trois invités naviguent entre les chaises, discutent avec tout le monde.
Un homme s'approche de Maryse Birmingham et lui parle de son histoire. Il lui explique que son fils est le seul noir dans sa classe et que ce n'est pas tous les jours facile. Il lui demande ce qu'elle pense de l' école primaire réservée aux élèves noirs qui existe à Toronto depuis 2009. Cette école a rencontré un certain succès dans la ville même si elle a profondément divisé la communauté éducative.

La cuisine du théâtre se remplie et le directeur artistique remarque avec un sourire "Ca finit toujours pas jaser  dans la cuisine".


4 commentaires:

  1. Mais si il y a un commentaire !!!!
    Bravo à la journaliste éminente qui a pondu ce texte plein de vie... On a envie de partir à Haïti ou d'aller visiter Tombouctou... La grande
    fraîcheur et la joyeuse vivacité de ce texte nous rappelle que nous sommes tous différents et que c'est cela notre richesse. A quand la prochaine parution ? Sera-ce un feuilleton? sérieux pour une fois? Une admiratrice TAKI

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  2. Yaelou, bravo pour tes articles. Tous mes compliments. Tu es sur la bonne voie, c'était très interessant. Je t'embrasse très fort. Mamie.

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  3. Le début de la gloire..... sujet passionnant! on attend la suite. Bécots de
    Philippe(papou) et Monique

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  4. Merci beaucoup !
    Oui la suite est en préparation... !

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